jeudi 9 janvier 2025

Ictyos recycle les peaux de poisson en cuir écolo

Ictyos recycle les peaux de poisson en cuir écolo
Trois jeunes ingénieurs chimistes ont mis au point une technique de tannage à base de matières végétales pour transformer la peau de poisson en cuir. Installés à Saint-Fons, près de Lyon, ils signent le renouveau d’une filière industrielle sinistrée.

Tiré de l’élevage, le cuir est depuis quelques années dans le collimateur de nombreuses ONG engagées dans la défense de l’environnement. Cette matière utilisée depuis toujours pour l’habillement et la maroquinerie pose aujourd’hui de nombreuses questions, à commencer par sa provenance. Chaque année dans le monde, 1,4 milliard de peaux de vaches, moutons et chèvres sont transformées en cuir pour confectionner des vestes, des chaussures, du mobilier, dont la moitié provient d’Asie. Selon un récent rapport de l’ONG Stand.earth, l’élevage bovin pour fournir la demande mondiale en cuir s’intensifie au Brésil et contribuerait à la déforestation de l’Amazonie, à cause des arbres détruits pour les transformer en zone de pâturage.

Ce ne sont pas les seuls reproches faits aux producteurs de cuir. Les étapes de la transformation d’une peau brute en cuir fini sont excessivement polluantes. D’énormes quantités d’eau sont utilisées ainsi que de nombreux produits chimiques, sels de chrome et solvants. En Inde, l’un des premiers exportateurs de cuir au monde, des centaines de tanneries qui longent le Gange sont accusées de déverser leurs déchets toxiques dans le fleuve.

L’industrie du cuir française et européenne demeure très réglementée. Depuis 2007, les tanneries doivent produire dans le respect du règlement européen REACH qui protège le consommateur de la toxicité des produits et garantit la suppression de substances dangereuses.

En janvier dernier, un livre blanc a d’ailleurs été publié par le Conseil National du Cuir afin de dresser les démarches environnementales et les innovations mises en place par le secteur. Il précise qu’en France les entreprises de transformation sont équipées de stations d’épuration performantes,  alors que la consommation d’eau a été réduite de plus de 50% ainsi que les émissions de solvants organiques dans l’air.

Les marques et les tanneurs ont également développé dans le cadre de leur politique de responsabilité sociale des cahiers des charges pour assurer le bien-être animal et garantir certaines conditions dans les élevages et abattoirs.

Si le CNC assure qu’aucun bovin en France n’est élevé pour sa peau et que la filière s’inscrit dans une économie circulaire de revalorisation d’un déchet, n’en reste pas moins que la production de cuir en France est principalement destinée au luxe et que l’essentiel de notre consommation provient de l’étranger.

Selon l’ONU, 80% du cuir provient de pays en développement comme le Bangladesh, où les conditions de production sont moins contrôlées, et où les normes environnementales sont moins exigeantes. Aujourd’hui, rien n’oblige les marques à préciser l’origine du cuir utilisé. Cela pourrait toutefois changer. Près de dix ans après l’accident du Rana Plaza au Bangladesh et des années de négociations, Bruxelles vient de divulguer son projet de directive sur le devoir de vigilance obligeant les multinationales à prendre en compte leurs impacts environnementaux et sociaux sur l’ensemble de leurs chaînes de valeur. La France a d’ailleurs été pionnière sur ce sujet en adoptant une loi en 2017, un accord prévu pour la fin 2023 pourrait l’étendre au niveau européen.